POUR NE PAS LES OUBLIER
La Chine rurale et éternelle se frotte de plus en plus à la Chine du 21e siècle faite de gratte-ciel et de progrès que personne ne peut stopper. Les traditions ancestrales, souvent ancrées au coeur des minorités ethniques vacillent de plus en plus sous la poussée consumériste. Ainsi, un peu partout, on n’hésite pas à sacrifier de bonnes terres cultivables sur l’autel de la rentabilité à tout crin. Nous voulons par cette page rendre hommage à celles et à ceux qui résistent au rouleau compresseur chinois, en gardant leurs traditions et leur culture. Ils arpentent dès le lever du soleil les rizières et les champs que les ancêtres leur ont légués, sentant bien qu’au fond la vraie façon de vivre est celle qui est en harmonie avec leur environnement.
Yunnan, Sichuan, Guizhou. Ces trois provinces abritent bon nombre d’ethnies minoritaires chinoises, telles que les Yi, les Miao, les Dong, les Yao, les Buyi … dont le mode de vie est encore profondément ancré dans la saisonnalité et les traditions ancestrales. Certaines portent le costume traditionnel au quotidien, d’autres s’efforcent de maintenir vivaces les liens qui les relient à leur passé. Toutes cependant sont lentement absorbées par le progrès et le rouleau compresseur chinois va vraisemblablement n’en laisser que des miettes. Il est urgent de recueillir les témoignages de cette vie rurale et pastorale qui a permis à ces peuples de vivre en autarcie pendant des siècles, loin des affres de la cour des Mandarins et des Hans.
La vie s’écoule lentement au rythme des saisons et des travaux. Le pêcheur se déplace dans l’eau froide de la rizière et emprisonne à l’aide de son panier percé les poissons qui ont grandi durant l’hiver. Dans une autre vallée, une petite communauté s’active sur les berges de la rivière sauvage pour mettre à l’eau la barque neuve construite selon un savoir ancestral.
“Même si les jeunes filles portent un jeans et des baskets modernes sous leur jupe, rien ne peut faire oublier le sérieux de ce bal improvisé, l’étrange sentiment qui envahit le visiteur." En ce début de printemps, l’heure est propice aux rencontres entre les jeunes de différents villages. Une simple cour d’école, un costume somptueux dont la confection a pris trois ans et la danse commence au son des lushengs. Les jeunes se courtisent et partagent des verres d’alcool de riz et de la nourriture. La fête dure jusque tard dans la nuit.
Séduire, attirer les regards, afficher ses racines et affirmer sa différence, le geste de revêtir son costume n’est pas anodin. Certes, il subit les influences du temps ainsi que de la mode et les hommes ne sont plus très nombreux à le porter au quotidien. Chaque fillette est associée très tôt aux travaux de confection du costume. Filer, tisser, teindre à l’indigo, broder, assembler ces mosaïques de tissu, tous ces gestes se répètent à l’infini et sont la mémoire de ces ethnies.
“ Pénétrer dans une de ces grandes maisons de bois, grimper une volée d’escaliers, c’est retrouver une part de son enfance.” Chez ces minorités, la hauteur des maisons défie la pesanteur. Les animaux, la famille élargie, les récoltes ainsi que les réserves occupent les différents étages. La richesse d’une famille se mesure à la capacité à accueillir les nombreux invités lors des fêtes.
“Rien ne prépare le visiteur à ce sentiment incroyable qu’il ressent lorsqu’il rencontre ces minorités si fières de porter leur costume.” Le marché est le lieu de rencontres par excellence. Il suscite les échanges, les commérages, les transactions et le troc. Partis souvent à l’aube, à pied dans des sentiers escarpés, ou parfois en camion, les minorités se retrouvent sur la place du bourg et vendent le produit de leur labeur. Si la recette est bonne, elle permet d’acheter le superflu, d’améliorer le confort de la maison.
“Nous avons tant à apprendre de ces ethnies qui ont développé des liens très forts dans leur communauté et sont des modèles de développement durable.” Ici, personne n’est surpris par le chant du coq. Les reliefs ont été le refuge de ces minorités persécutées par le passé et elles ont su en tirer le maximum. Pas un pouce de terre qui ne soit laissé en friche. Chaque arpent est soigneusement retourné, fumé, inondé, repiqué, modelé à souhait. Pas une herbe perdue. Les bords des rizières deviennent de minuscules lignes vertes que l’on coupe régulièrement pour affourager le bétail resté au village. Cuisine rustique et plats revigorants constituent l’essentiel d’une nourriture qu’aucun produit industriel n’est encore venu influencer. Ici, pas de retour au terroir, on n’en est jamais parti.
Le riz glutineux est cultivé depuis des milliers d’années en Chine. Il demande des soins particuliers, surtout durant la période de séchage. Ces tréteaux servent au séchage du riz avant qu’il soit déposé dans des greniers en bois. Dans la région du Guizhou, le riz glutineux est présent lors de toutes les réjouissances et sous diverses formes. Entouré de feuilles de bananier et cuit à la vapeur avec une garniture, il fait partie de chaque menu de fête. Chez les Dong, on élabore un alcool de riz fameux qui attire de plus en plus de touristes chinois.